Phénoménologie

Je ne prétends pas comprendre grand-chose à la phénoménologie. Son ambition est pourtant simple : le retour “aux choses mêmes”, selon Husserl. Mais la mise en œuvre de ce principe est fort compliquée… Il y a un an, pour tenter d’y voir plus clair, j’avais acheté un livre dont j’avais entendu parler, Au cœur de la raison, la phénoménologie de Claude Romano. J’espérais y trouver une synthèse moderne de cette approche de la philosophie ; je ne nie pas que ce soit le cas, mais je crains de ne jamais terminer ces 1100 pages assez touffues.

Il y a pourtant des choses intéressantes dans ce que j’ai déjà lu. Ainsi (chapitre premier), on peut identifier des phénomènes qui sont intrinsèquement liés d’une façon qui ne dépend pas de notre point de vue, comme, par exemple, la couleur et l’étendue : il n’y a pas de couleur sans une étendue sur laquelle elle s’applique et il n’y a pas d’étendue sans couleur. “Couleur et étendue forment l’une avec l’autre un tout dans lequel elle ne peuvent être distinguées que par abstraction”, comme le dit Carl Stumpf (cité par Romano). C’est un exemple de “loi structurale immanente à l’ordre de l’expérience” ou encore de “légalité structurelle de l’expérience” (tel est le langage de la phénoménologie). La couleur, bien entendue, peut-être définie en dehors de toute étendue, comme étant une onde électro-magnétique de fréquence comprise dans le spectre du visible, mais c’est peut-être ce que veut dire Stumpf par “abstraction”…

Quelques mois plus tard, relisant une partie du Ménon de Platon, je suis tombé sur le passage suivant où Ménon demande à Socrate de définir ce qu’est une figure et où celui-ci répond (75b) : “Posons donc que ceci est une figure qui, seule de toutes les choses [ou : de tous les étants], se trouve toujours être suivie de la couleur (ἔστω γὰρ δὴ ἡμῖν τοῦτο σχῆμα, ὃ μόνον τῶν ὄντων τυγχάνει χρώματι ἀεὶ ἑπόμενον)”.

Cette définition, lorsque je l’ai lue pour la première fois, je l’ai trouvée inattendue ; je me disais : “oui, pourquoi pas, mais n’y a-t-il pas de définition plus directe, plus géométrique ?” Plus tard, ayant lu les premiers chapitres du livre de Romano, j’ai immédiatement fait le lien avec l’exemple donné par Stumpf et Romano : une figure étant ce qui délimite une étendue, les deux phrases sont à peu près équivalentes.

Stumpf et Husserl connaissant certainement parfaitement Platon, ce n’est sans doute pas par hasard que leur exemple se trouve déjà chez lui. Une fois de plus, il est étonnant de rencontrer chez Platon, au passage (car ce n’est pas du tout le sujet de ce dialogue), un concept qui sera repris 2300 ans plus tard…

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